Afin de se saisir des opportunités qu’offre cette quatrième révolution industrielle il est impératif de développer et animer de nouvelles plateformes numériques 4.0 qui allient algorithmes mais aussi réalité augmentée et intelligence artificielle.
Plus que jamais, et dans ce contexte de crise mondiale qui rend nos rapports et notre économie fébrile, les technologies peuvent être nos alliées pour les trente prochaines années.
Les grandes dates et leurs indicateurs pour les prochaines décennies :
- 2030 avec l’atteinte partielle ou non des Objectifs de Développement Durables (17 ODD et plus de 200 indicateurs).
- 2050 avec un accroissement de la population africaine de 50% soit 2 milliards d’habitants et plus de 30 millions dans les grandes villes comme Lagos, Le Caire ou Kinshasa.
- 2063 avec l’agenda de l’Union Africaine sur le recours au numérique pour la croissance économique.
Humains, environnement et technologies doivent mieux coexister
Il est évident que le numérique et la science vont être de précieux alliés pour mieux travailler ensemble dans cet écosystème mondialisé et globalisé qui va nous mettre à rude épreuve avec en toile de fond la pandémie mondiale du coronavirus. Les pays classés par l’OCD comme “en voie de développement” étant systématiquement les plus impactés par ces défis, ils sont aussi ceux qui doivent le plus en profiter pour transformer cette situation à leur avantage.
L’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) indique dans une étude menée pour les Nations Unies que le numérique et la science pourraient être les meilleurs outils nous permettant d’approcher les 200 indicateurs qui coexistent dans les 30 Objectifs du Développement (ODD).
Au-delà de l’humain c’est bien sûr la planète avec la faune et la flore qui est déjà mise à rude épreuve. Nous épuisons les ressources et développons une industrialisation à marche forcée sans logique commune et sans analyse des contextes. Le défi est immense mais les technologies et cette nouvelle révolution industrielle nous offrent une occasion immense qui ne se reproduira peut-être jamais.
Le développement avec les plateformes
Le Développement c’est un immense secteur d’activité qui offre avec ses milliers de personnes engagés des perspectives collaboratives pour redessiner les contours d’un monde durable. Il implique l’ensemble des acteurs économiques des différents continents aussi bien ceux des pays dit “riches” que des pays “pauvres” communément appelés du Sud et du Nord. Ce secteur octroie des centaines de milliards d’euros investis chaque année, sous forme de prêts, de garanties, d’investissements ou de subventions. Des fonds indispensables aux actions menées pour les pays et finalement pour l’ensemble des acteurs qui sans ces leviers financiers ne pourraient jamais mettre en place leurs actions locales.
Le développement c’est donc du financement avec des opérateurs et avec les acteurs incontournables : états, entreprises, fonds d’investissements, fondations, banques de développement et bien sur la société civile qui participe activement au développement économique et souvent de manière inclusive.
Le développement c’est aussi du partenariat avec des entreprises et des structures diverses mais surtout avec des opérateurs et des acteurs engagés dans le développement de la société. Cet engagement se fait de plus en plus avec des indicateurs et des outils numériques mais parfois de façon anarchique et isolée sans prise en compte des indicateurs pourtant bien présents, les fameux 17 ODD… Les études et les données sont bien présentes mais les données numériques pas assez démocratisées.
D’excellentes initiatives voient le jour comme la plateforme Edflex de l’Agence française de développement qui partage en ligne des centaines de ressources accessibles gratuitement en ligne. Ou l’ONG La Guilde avec son Portail Solidaire qui permet pour une association de déposer en ligne un dossier et d’être financé par plusieurs bailleurs. L’optimisation en ligne d’un cycle de vie projet couplé à une plateforme en ligne permet d’accompagner plus de 500 initiatives tout au long de l’année, plus d’une centaine de projets sont financés chaque année.
Le numérique 4.0 en accélérateur
Ces milliers d’acteurs, dans différents pays, parlant différentes langues et avec leurs propres moyens et systèmes proposent leurs services, travaillent et collaborent sur différents projets qui touchent des millions de bénéficiaires. Ces réseaux sont complexes et non unifiés, ils reproduisent parfois les mêmes processus ou actions et sans savoir qui fait quoi.
La capitalisation, les bonnes pratiques et les analyses ne sont pas assez partagées et c’est une perte colossale en termes de visibilité pour les actions collectives et au final pour le rendement des différents opérateurs.
Comme l’indique justement Gilles Babinet dans son livre “Transformation digitale, l’avènement des plateformes” ce sont les plateformes collaboratives de services qui remplissent désormais un nouveau rôle dans l’économie mondiale et le développement. Elles sont animées par des milliers d’Acteurs du Développement.
Avec la pandémie du coronavirus il est possible de soutenir les initiatives portées par des centaines d’acteurs du développement en Afrique. Ils agissent déjà sur les « Health Tech » les technologies de la santé depuis de nombreuses années avec un succès prouvé par les innovations accessibles localement comme les nouveaux centres de télémédecine, les applications d’analyses oculaires, les dépistages par smartphones ou les analyses de déplacements de pandémies par géo tracking sur smartphones. Ushahidi par exemple permet même de cartographier la pandémie en au Kenya mais aussi en Espagne ou en Italie : https://kenyacovid19.ushahidi.io/views/map
Ces plateformes permettent de développer l’accessibilité aux services comme le financement et les cofinancements, les ressources téléchargeables ou consultables (fiches de conseils, analyses, schémas, POC, cas d’études), le recensement des actions des différents acteurs, etc…
Ce qui transforme radicalement le développement de ces plateformes c’est l’utilisation d’algorithmes de réalité augmentée et bientôt d’intelligence artificielle.
Proposer des contenus en mode plateformes et y coupler des développements techniques puissant permet déjà aux acteurs locaux de s’emparer du savoir et de monter en compétences. L’économie informelle en Afrique se formalise ainsi, petit à petit et de manière contrastée selon les régions et les pays. Les projets se structurent avec de plus en plus de données et d’algorithme rendant les actions plus précises et plus efficientes. Briter Bridges propose une carte d’Afrique regroupant des structures agissant dans la santé avec les nouvelles technologies.
Les algorithmes avec trois piliers du développement : zones géographiques, thématiques et structures
Avec les algorithmes il est désormais possible de permettre à une structure porteuse d’un projet, que ce soit une entreprise, une fondation, une association, un bailleur de fonds, d’accéder par différents critères aux contenus les plus adaptés : trois principaux accès sont déterminants : la zone géographique qui peut être le continent, le pays et la/les régions; Les thématiques (en rapport avec les ODD ou d’autres indicateurs) qui peuvent être la santé, l’agriculture, l’énergie, l’urbanisme, la mobilité, l’eau, le social ou l’entrepreneuriat; Et les structures : tailles, CA, type, nombre d’actifs, personnel, métiers, actions menées, etc…
Ces trois principaux critères qui sont la zone géographique, les thématiques et les types de structures porteuses de projets permettent déjà de séquencer les contenus et donc d’allier les différents acteurs sur des socles communs : un cap prépondérant est déjà franchi.
Dans la technicité des algorithmes il faut discerner ce qui vient en miroir de ce que l’humain propose. Que ce soit le miroir humain ou algorithmique et donc ce que reflètent nos développements ou celui de la “machine” il est nécessaire de comprendre que sur celui de l’informatique il ne peut être que “apprenant” (implicite) ou “non apprenant” (explicite). Cela permet de juger de leur pertinence.
Finalement plus nous allons être en capacité d’analyser ce miroir mieux nous pourrons juger du monde virtuel. Une meilleure analyse de ce miroir nous permettra de juger au mieux le monde virtuel et non l’imposer. C’est expliqué par Aurélie Jean dans son livre “De l’autre côté de la machine, voyage d’une scientifique au pays des algorithmes”.
C’est avec ces outils que les plateformes changent de dimensions, elles sont désormais limitées uniquement par notre capacité à les imaginer, les entreprendre, les rendre accessibles et évolutives selon les contextes de ce monde mouvant ou l’homme et la nature sont confronté à d’immenses défis.
Réalité augmentée, intelligence artificielle, drone vont travailler ensemble…
Avec ces plateformes de services qui collectent, avec respect de la RGPD, les données des acteurs qui justement profitent de ces services il devient possible de proposer des services plus innovants : cartographie interactive (Banque Mondiale) avec de l’open data qui offre donc la possibilité par exemple d’y ajouter de la réalité augmentée pour superposer un contexte local grâce à des applications sur smartphones. Un opérateur d’une ONG en Afrique peut superposer des calques et interagir avec les acteurs ou superposer les actions d’autres organisations.
L’intelligence artificielle qui permet d’analyser un contexte (avec des capacités surpuissantes) ou le déploiement d’un programme selon la probabilité d’échec ou issue de l’analyse des actions passée de prévoir un meilleur cadre logique d’intervention. L’usage des drones avec le couplage de la cartographie, de la réalité augmentée et des données permettant là aussi un travail de capitalisation inestimable sur des projets d’infrastructures comme dans l’hydroélectrique ou l’environnement.
L’Internet des Objets
L’IoT, l’Internet des objets ou IdO en français, joue déjà un rôle majeur. Les usages sont inimaginables tellement ils sont vastes. Des millions d’entreprises et de consommateurs les utilisent sans le savoir.
L’entreprise Sigfox par exemple permet de tracer les rhinocéros et ainsi de les tenir éloignés des braconniers. Les animaux sont équipés de capteurs de 30 dollars insérés dans leurs cornes qui permettent de géo localiser en temps réel les animaux qui ne sont plus que 29 000 dans le monde. C’est un projet relativement simple techniquement mais qui permet d’imaginer d’innombrables développements.
Les antennes Sigfox permettent d’émettre des ondes sur plus de 50 kilomètres sans SIM ou abonnements. Le seul défi est que les données soient assez légères pour être transmises sur des ondes basses fréquences, là est le savoir-faire de ce fleuron français de l’IoT.
Imaginons donc les objets connectés dans le développement : capteurs d’eau, de débit d’énergie, contrôles d’infrastructures, non seulement le business model mais aussi les économies que cela peut engendrer… Les pertes de courants ou “délestages” sont fréquents en Afrique. Ils peuvent représenter plus de 150 jours par an si on prend l’exemple de la partie Sud du Sénégal. Les pertes sur le continent représentent un marché de plus de 5 milliards de dollars par an selon la banque mondiale. Avec des objets connectés en contrôle des débits cela pourrait bientôt n’être plus qu’un vieux et pénible souvenir.
Le marché de l’IoT ou IdO offre clairement une superbe perspective de croissance pour les marchés africains.
Transformer les défis en opportunités
Des outils qui sont développés par des humains pour des humains mais dans un but collectif, celui de mieux relever les défis que nous rencontrons et qui vont s’accroître de manière exponentielle dans les prochaines années. Spéculation ou guerre de l’eau, migrations, conflits, pénuries alimentaires. Avec les technologies et une coalition multi-pays nous pourrions faire de ces défis des opportunités économiques et sociales tout en préservant l’environnement et ainsi notre avenir.
Des communautés d’acteurs engagés, de nouveaux modèles économiques
Un des aspects vertueux et inestimable des plateformes 4.0 c’est la productivité des communautés qui se fédèrent et opèrent ensemble sur les thématiques, régions, ou plans économiques locaux. Ils se connectent, se regroupent, partagent, analysent et déploient de nouveaux savoir-faire adaptés aux marchés avec des actions innovantes. C’est un fait, les communautés des plateformes sont plus agiles, plus rapides, plus efficientes et plus proactives dans leurs démarches. Un des cas concrets dans ce sens est la plateforme portée par la BPI (Banque Publique d’Investissement) EuroQuity qui permet au startup d’accéder aux investisseurs en quelques clics.
EuroQuity met en relation les entrepreneurs de l’innovation et du numérique avec les acteurs du Capital Risque (VC) ou Private Equity. L’impact est énorme avec des dizaines de milliers d’acteurs qui convergent pour financer ou cofinancer des structures qui sans cette plateforme peinerait à se faire connaître ! L’effet démultiplicateur est énorme et les impacts sur les bénéficiaires colossaux sans même parler de l’accélération temporelle qu’offrent ces mises en relations.
Dans cet écosystème de réseau, de connexion et de mise en relation à différents niveaux les réseaux sociaux avec les nouveaux outils d’assistants virtuels vont jouer un rôle majeur. Facebook avec son redoutable Whatsapp, mais aussi Slack ou LinkedIn couplés de plus en plus à des outils de monnaie virtuelle eux aussi couplés à du commerce électronique ou du service comme le « pay as you go » révolutionnent et révolutionneront de plus en plus les 20 prochaines années. Particulièrement dans les pays en forte croissance, ces fameux pays du Sud.
L’énergie, de plus en plus durable car renouvelable, devient accessible par le compte en banque de son téléphone. Cela nécessite en Afrique de redessiner les modèles économiques locaux avec l’ensemble des entreprises et états concernés. Ces cas d’usages vont aussi de fait redéfinir les pratiques des pays développés comme en Europe ou nous allons pouvoir consommer une énergie “à la demande” et non plus par abonnement.
Placer les citoyens au cœur des nouvelles technologies
Il faut bien sûr faire passer l’humain avant les technologies. Comme la société française Tactis qui, dans son projet de développement de ville durable pour Kigali développé en partenariat avec les autorités locales a mis en place un vaste programme de réflexion et de transition pour le réaménagement de la ville : infrastructures, transports, mobilité, services numériques… Ce vaste plan est basé sur une consultation citoyenne et non le fait d’imposer des choix politiques pensés par les élites.
L’analyse fine, aussi par les algorithmes, va permettre aux citoyens de manifester leur intérêt pour différentes solutions. C’est innovant, numérique et basé sur l’humain. Une démarche à labelliser.
Que nous le voulions ou non il faut intégrer les nouvelles technologies pour mieux maîtriser notre impact sur le monde et une des clés est et sera de développer des technologies accessibles pour tous dans un monde de plus en plus connecté. Le défi est d’autant plus complexe que ces technologies seront aussi évolutives qu’énergivores, ce pourquoi nous allons devoir inventer de nouveaux modèles.
Il reste à savoir si nous souhaitons faire ce pas de géant en accélérant notre travail de réflexion collective ou si nous allons, comme souvent, freiner les réformes qui nous permettraient d’intégrer le numérique avec l’humain au cœur de notre vision d’avenir.